Le marché halal bat ses propres records
MARCHÉS, BOUCHERIE, VIANDE HALAL
MARIE NICOT
Charcuterie, traiteur, épicerie, surgelés, liquides… Tous les segments ont profité du contexte sanitaire. Les produits halal ont réussi durablement à s’installer en supermarchés et dans les drives.
Une insolente santé face au virus. À l’instar du secteur des PGC, les marques halal ont connu une année 2020 historique. Elles ont même surperformé par rapport aux marques conventionnelles avec une croissance globale en valeur de 14,9 % versus 7,4 % (Source : Iri, CAM au 31 janvier 2021, tous circuits GMS). Désormais, le marché halal global frôle les 380 millions d’euros. Presque tous les segments affichent une vigueur supérieure à celle des produits non halal. On peut même parler de boom concernant les liquides (+ 92,7 %, à 0,08 million d’euros), les surgelés sucrés (+ 31,5 %, à 2,2 millions d’euros), l’épicerie sucrée (+ 18,6 %, à 11,4 millions d’euros), le traiteur libre-service (+ 18,5 %, à 27 millions d’euros) et les surgelés salés (+ 17,2 %, à 81 millions d’euros). Ces envolées sont dues à des hausses en volumes et non à l’inflation. À l’exception des fruits et légumes, dont le prix moyen à l’unité affiche + 17,2 %, les tarifs sont restés relativement modérés.
Dès mars 2020, début du premier confinement, les fournisseurs en produits halal pour la GMS ont profité de la fermeture des restaurants et des cantines. « L’année dernière, Oriental Viandes a connu une croissance de 30 % en volume par rapport à 2019 sur la charcuterie, le surgelé et le snacking… C’était impressionnant, confirme Bahri Ouzariah, directeur général d’Oriental Viandes. La GMS a été l’écoute, y compris lors des décalages de livraison ou des substitutions de certains produits par d’autres, équivalents, pour répondre à la forte demande. Tout le monde était très engagé. »
Avalanche de produits turcs
Puis, une fois le premier confinement levé, les acteurs du marché halal ont constaté avec soulagement que leur clientèle restait en France plutôt que de partir en vacances d’été dans leur pays d’origine, au Maghreb, en Afrique de l’Ouest ou en Turquie. Ces familles qui n’osent franchir les frontières hexagonales restent ainsi un vecteur de croissance.
Autre bonne surprise : en dépit de la morosité ambiante due au Covid-19, les nouvelles offres produit ont trouvé preneurs. Le marché halal a continué à proposer des produits inspirés du conventionnel : recettes italiennes ou asiatiques, snacking pour l’apéritif, aides culinaires adaptées aux jeunes qui passent peu de temps en cuisine… À la tête de son agence Solis Conseil, Abbas Bendali observe également une forte évolution de produits turcs (fromages, noisettes, loukoum, figues séchées…), avec notamment les marques de charcuterie Aladin et Suntat.
Très représentative de la polarisation du marché en multiples tendances, la société Isla Délice a proposé par exemple en 2020 des nems, des samoussas et des bouchées vapeur via sa gamme surgelée Délices du monde. L’idée était d’apporter une touche exotique aux apéritifs ou aux dîners pris sur le pouce. Et à l’autre bout du spectre, la marque a rénové ses recettes de lasagnes bolognaises et hachis parmentier surgelés en barquette de 1 kilo pour les familles. Colorants et conservateurs ont été supprimés et la viande est garantie origine France. « Nous sommes clairement engagés dans une démarche d’amélioration de la qualité de nos produits, précise Cécile Van der Zyppe, directrice marketing d’Isla Délice. Cette montée en qualité gustative, nutritionnelle et en termes de composition va peu à peu concerner toutes nos gammes. Nous commencerons à afficher le Nutri-score à partir de début 2022. »
Force des acteurs historiques
Les parts de marché confortent les acteurs historiques. Dans un secteur de la viande surgelée particulièrement disputé, Isla Délice détient 52,4 % de part de marché en valeur, Oriental Viandes 14,6 %, Isla Mondial 4,9 %, Arabi 3,6 % et les marques de distributeurs 15,9 % (Source : Iri, origine fabricants, CAM au 24 janvier 2021 HM + SM + drive).
En épicerie, Bellevue Ingrédients et Solutions (Panzani-Ebro Foods) met le paquet sur deux marques emblématiques : Le Renard et Zakia. Pour la première marque, leader du marché de la semoule, l’offre est montée en gamme et mentionne désormais le Nutri-score. C’est le cas pour La Royale et La Complète. Concernant Zakia (couscous, semoules, pâtes…), la refonte graphique et des lancements sont programmés pour cette année, afin de donner une nouvelle dynamique à cette marque connue pour son rapport qualité/prix attractif.
La troisième évolution du marché est encore plus fondamentale que les innovations. Après des années de tentatives plutôt infructueuses, les marques halal, surtout présentes en circuit traditionnel et en hypermarchés, ont gagné en visibilité dans les supermarchés et, surtout, en drive. Covid oblige, les enseignes ont adapté les circuits de vente. Pour rester sur l’exemple du marché de la viande surgelée, les ventes en drive (e-commerce GSA) ont bondi de 73,8 % et celles en supermarché de 26,9 %, alors que celles en hypermarché restaient en croissance, à + 16,4 % (source : Iri, origine fabricants, CAM au 24 janvier 2021).
Optimisme pour cette année
Après cette année 2020 particulièrement faste, les fabricants restent optimistes pour le Ramadan, prévu du mardi 13 avril au mercredi 12 mai, et pour les mois suivants. « En 2021, la croissance restera dynamique car nous avons convaincu de nouveaux clients qui avaient l’habitude de la restauration ou de la boucherie traditionnelle, assure Bahri Ouzariah (Oriental Viandes). Et certaines familles qui n’achetaient qu’une partie de notre assortiment ont testé avec succès d’autres produits de nos gammes charcuterie et surgelé halal en hyper, super et drive. »
Pour autant, la hausse du prix de certaines matières premières apporte une ombre au tableau. C’est notamment le cas de la viande de bœuf et celle de la volaille en raison de la grippe aviaire (+ 5% à 10 % de hausse du prix au kilo). Dans le même temps, la clientèle très familiale qui achète halal surveille son budget alimentaire de près. Les incertitudes liées à la pandémie et à ses conséquences économiques incitent à la prudence. De plus, un jour ou l’autre, la reprise de la restauration devrait provoquer un retour à la normale dans les rayons des GMS. C’est bien connu, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel !
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